En thermodynamique, la méthode de Roozeboom permet de déterminer graphiquement les grandeurs molaires partielles d'un mélange binaire. Elle porte le nom de son inventeur, le chimiste néerlandais Hendrik Willem Bakhuis Roozeboom.
La méthode peut être étendue à des mélanges de plus de deux espèces chimiques.
Construction
Définitions
On considère, à pression , température et quantité de matière constantes, un mélange binaire, constitué des deux espèces chimiques (corps), notées et . Le mélange, quelle que soit sa composition, n'est composé que d'une seule phase. Les quantités et respectives des deux corps vérifient la relation :
Par définition, les fractions molaires et respectives des deux corps valent :
et vérifient :
Soit une propriété thermodynamique extensive du mélange (volume , énergie interne , enthalpie libre , entropie , etc.). La grandeur molaire correspondante est définie par la relation[1] :
Grandeur molaire :
Les grandeurs molaires partielles et respectives des deux corps sont définies par les dérivées partielles[1],[2] :
Grandeurs molaires partielles
À pression et température constantes, la grandeur extensive dépend de et , les grandeurs intensives , et dépendent de et .
Lorsque le corps est pur, , on a :
pour le corps : , la grandeur molaire du corps pur ;
pour le corps : , la grandeur molaire partielle du corps à dilution infinie dans le corps .
Lorsque le corps est pur, , on a :
pour le corps : , la grandeur molaire partielle du corps à dilution infinie dans le corps ;
pour le corps : , la grandeur molaire du corps pur.
Les définitions des grandeurs molaires partielles donnent :
À pression et température constantes, la grandeur molaire dépend de et . Les deux fractions étant liées par la relation , la grandeur peut être considérée, arbitrairement, comme ne dépendant que de . Le théorème de dérivation des fonctions composées permet d'écrire :
On peut donc réécrire[1],[2] :
On obtient la relation[1] :
Méthode de Roozeboom
La grandeur molaire est tracée à pression et température constantes en fonction de la fraction molaire . On note les diverses grandeurs en un point d'abscisse quelconque du diagramme :
La tangente à la courbe en ce point a pour équation :
En substituant les relations :
on obtient l'équation de la tangente à la courbe de en un point d'abscisse quelconque en fonction de [1] :
Tangente en
En conséquence, les grandeurs molaires partielles peuvent être déterminées graphiquement par les interceptions de la tangente et des axes des corps purs[1] :
Les grandeurs et ne dépendent que de la pression et de la température. La grandeur idéale vaut[1] :
Par définition, une grandeur de mélange est l'écart entre une grandeur réelle et la grandeur idéale correspondante[1] :
On définit les grandeurs de mélange molaires partielles :
On a sur les grandeurs de mélange les mêmes relations que celles obtenues plus haut :
Dans un diagramme représentant en fonction de , la tangente en un point d'abscisse quelconque a donc pour équation :
Tangente en
avec :
En conséquence[2],[3] :
lorsque , on a ; la grandeur molaire partielle en est ensuite calculée par : ;
lorsque , on a ; la grandeur molaire partielle en est ensuite calculée par : .
Cette variante est utilisée lorsque les grandeurs réelles sont peu différentes des grandeurs idéales (lorsque les grandeurs de mélange sont faibles), par exemple sur des volumes. Elle permet une plus grande précision dans le tracé de la tangente et la lecture des résultats. En pratique, la grandeur extensive (par exemple le volume) est déterminée expérimentalement à pression et température constantes en fonction de la composition. Connaissant la quantité de matière , la grandeur intensive est calculée par la relation . Connaissant la fraction molaire, ainsi que les grandeurs molaires et des deux corps purs aux mêmes pression et température que le mélange, la grandeur de mélange molaire est calculée selon :
Exemple pour un mélange binaire
Le volume molaire d'un mélange eau-acide acétique est déterminé expérimentalement à pression et température (20 °C) constantes en fonction de la composition en acide acétique[4]. Les volumes molaires respectifs des corps purs valent :
eau : = 18,048 cm3 mol−1 ;
acide acétique : = 57,288 cm3 mol−1.
Le volume idéal molaire est calculé en fonction de la fraction molaire de l'acide acétique :
Le volume de mélange molaire est calculé selon :
Les figures suivantes représentent les grandeurs ainsi déterminées en fonction de .
Volume molaire et volume idéal molaire .
Volume de mélange molaire .
Tableau de valeurs[4].
Le tableau suivant donne le volume molaire d'un mélange binaire eau-acide acétique à 20 °C.
Volume molaire d'un mélange eau-acide acétique à 20 °C (cm3 mol−1).
Dans ces conditions, les grandeurs ne dépendent plus que d'une seule fraction molaire. La méthode de Roozeboom est ainsi ramenée au cas des mélanges binaires et l'on trace la grandeur molaire en fonction de au ratio constant. En un point d'abscisse quelconque, la grandeur molaire partielle du corps vaut[5] :
et la tangente à la courbe a pour équation :
En substituant la première relation dans la deuxième, on obtient l'équation de la tangente :
Tangente en
En on a . L'interception de la tangente avec l'axe des ordonnées du corps pur donne la grandeur molaire partielle du corps pour au ratio donné[5]. Le même procédé est applicable à la détermination des grandeurs molaires partielles des deux autres corps[5]. Dans un diagramme représentant en fonction de à ratio constant, l'interception de la tangente à la courbe en un point d'abscisse quelconque avec l'axe des ordonnées du corps pur donne la grandeur molaire partielle du corps pour dans les conditions données. Dans un diagramme représentant en fonction de à ratio constant, l'interception de la tangente à la courbe en un point d'abscisse quelconque avec l'axe des ordonnées du corps pur donne la grandeur molaire partielle du corps pour dans les conditions données[5]. La détermination de deux des trois grandeurs molaires partielles par la méthode graphique est suffisante puisque la troisième peut être déterminée par le théorème d'Euler[5] :
Plus généralement, pour un mélange de corps, la méthode est systématiquement ramenée au cas du mélange binaire. Pour déterminer la grandeur molaire partielle d'un corps quelconque, on choisit un corps différent de et tel que ; on a :
On fixe les ratios entre fractions molaires de tous les corps différents de . La grandeur molaire partielle de dans ces conditions ne dépend que de et vaut[6] :
Bernard Claudel, Propriétés thermodynamiques des fluides, vol. B 8020, Techniques de l'ingénieur, , 46 p. (lire en ligne).
Jean Hertz, Diagrammes d'équilibre : alliages binaires, vol. M 70, Techniques de l'Ingénieur, , 30 p. (lire en ligne).
(en) M. B. King, Phase Equilibrium in Mixtures, vol. 9, Elsevier, coll. « International Series of Monographs in Chemical Engineering », , 604 p. (ISBN9781483152417, lire en ligne), p. 22-26.
Pierre Infelta et Michael Graetzel, Thermodynamique : Principes et Applications, Boca Raton, Floride, BrownWalker Press, , 484 p. (ISBN1-58112-995-5, lire en ligne).
Christian Picard, Thermochimie, De Boeck Supérieur, coll. « Bibliothèque des Universités - Chimie », (réimpr. 2000), 416 p. (ISBN2-8041-2113-5, lire en ligne).