Division en galère

La division en galère avec sa décoration en bateau dans Opus Arithmetica D. Honorati veneti monachj coenobij S. Lauretij (XVIe siècle)

La division en galère ou division batello est un algorithme utilisé jusqu'au XVIIIe siècle pour effectuer les divisions de nombres écrits dans le système décimal. Elle doit son nom à la jolie disposition des chiffres qui apparaît lorsque les calculs sont terminés, visible sur un document de référence datant de la fin du XVIe siècle (voir figure).

Histoire

La division en galère est parfois improprement dite "de Galley"[1], galley n'étant pas une personne, mais la traduction en anglais de l'italien galea. Niccolo Tartaglia décrit son processus dans La prima parte del general trattato di numeri, et misure.. en 1556 où il le nomme per Batello ou per Galea en référence à la figure obtenue lorsque le travail est terminé. En anglais on trouve aussi la dénomination "scratch division" parce que les chiffres sont rayés au fur et à mesure de leur utilisation.
Elle fait son apparition en Europe en même temps que les chiffres arabes et Leonardo Fibonacci la pratiquait dès 1202[référence souhaitée]. Elle est également mentionnée dans l'arithmétique de Trévise en 1478. Dans le Moyen-Orient, Al-Kwarizmi utilisait en 825 une version antérieure de cette méthode [référence souhaitée] et selon Lam Lay Yong, son origine remonte au Ier siècle de notre ère dans la Chine ancienne[2].

La division en galère était encore utilisée en France au XVIIIe siècle[3] jusqu'à la Révolution quand l'algorithme de la potence en usage actuellement l'a supplantée petit à petit.

La figure de référence est extraite d'un manuscrit vénitien datant de la fin du XVIe siècle[4]. Elle présente la division de 965 347 653 446 {\displaystyle 965\;347\;653\;446} par 6 543 218 {\displaystyle 6\;543\;218}  : on lit le quotient 147 534 {\displaystyle 147\;534} et le reste 529 074 {\displaystyle 529\;074} . La preuve par 9 présentée sous le drapeau n'est pas équilibrée. Elle met en évidence une faute de calcul, le reste juste étant 529 034 {\displaystyle 529\;034} .

L'algorithme

Voici la description de l'algorithme appliqué à la division de 117 121 par 563 :

Les étapes de la division en galère de 117121 par 563
a) On écrit l'un sous l'autre le dividende et le diviseur. 117 < 563 {\displaystyle 117<563} donc on écrit 563 {\displaystyle 563} sous 1171 {\displaystyle 1171} avec un alignement à droite. On ménage une place à droite pour écrire le quotient. Les chiffres seront rayés au fur et à mesure de leur utilisation et on veillera à bien les placer en colonnes.
b) 1171 {\displaystyle 1171} contient 2 {\displaystyle 2} fois 563 {\displaystyle 563}  : le premier chiffre du quotient est 2 {\displaystyle 2} . On remultiplie de gauche à droite pour déterminer les restes :
11 2 × 5 = 1 {\displaystyle 11-2\times 5=1}  : on raye 5 {\displaystyle 5} et 11 {\displaystyle 11} et on écrit le reste 1 {\displaystyle 1} .
c) 17 2 × 6 = 5 {\displaystyle 17-2\times 6=5}  : on raye 6 {\displaystyle 6} et 17 {\displaystyle 17} et on écrit le reste 5 {\displaystyle 5} .
d) 51 2 × 3 = 45 {\displaystyle 51-2\times 3=45}  : on raye 3 {\displaystyle 3} et 51 {\displaystyle 51} et on écrit le reste 45 {\displaystyle 45} .
e) On décale le diviseur d'un cran vers la droite puis on passe au chiffre suivant du quotient : 452 < 563 {\displaystyle 452<563} donc ce chiffre est 0 {\displaystyle 0} .
f) On raye 563 {\displaystyle 563} pour le décaler d'un cran vers la droite. On passe au chiffre suivant du quotient : 4521 {\displaystyle 4521} contient 8 {\displaystyle 8} fois 563 {\displaystyle 563}  : le chiffre suivant est 8 {\displaystyle 8} .
g) 45 8 × 5 = 5 {\displaystyle 45-8\times 5=5}  : on raye 5 {\displaystyle 5} et 45 {\displaystyle 45} et on écrit le reste 5 {\displaystyle 5} .
h) 52 8 × 6 = 4 {\displaystyle 52-8\times 6=4}  : on raye 6 {\displaystyle 6} et 52 {\displaystyle 52} et on écrit le reste 4 {\displaystyle 4} .
i) 41 8 × 3 = 17 {\displaystyle 41-8\times 3=17}  : on raye 3 {\displaystyle 3} et 41 {\displaystyle 41} et on écrit le reste 17 {\displaystyle 17} .

La division euclidienne est terminée, le quotient entier est 208 {\displaystyle 208} et le reste est 17 {\displaystyle 17} .
On pourrait continuer en plaçant une virgule au quotient et en ajoutant des zéros au dividende.

Extraction de racine carrée

Les ouvrages d'arithmétique du XVIe siècle[5] présentent une méthode d'extraction de racine carrée semblable à la division en galère moyennant quelques aménagements. Il s'agit d'un algorithme qui fournit l'un après l'autre les chiffres de la racine carrée d'un entier donné en écriture décimale :
On commence par regrouper les chiffres du radicande deux par deux, quitte à ajouter un zéro à gauche s'ils sont en nombre impair. On calcule ensuite successivement les chiffres de la racine carrée en reconstituant le radicande par concaténation de la gauche vers la droite par groupes de deux chiffres (voir l'exemple qui suit).

Étapes du calcul de la racine carrée de 74 602.

Si a {\displaystyle a} est la partie entière de la racine carrée de A {\displaystyle A} avec un reste R {\displaystyle R} , on cherche à l'étape suivante le plus grand chiffre b {\displaystyle b} tel que : ( 10 a + b ) 2 100 A + B {\displaystyle (10a+b)^{2}\leqslant 100A+B} B {\displaystyle B} est le nombre formé des deux chiffres suivants.
Cette inégalité peut s'écrire : ( 10 a + b ) 2 100 ( a 2 + R ) + B {\displaystyle (10a+b)^{2}\leqslant 100(a^{2}+R)+B}
ou encore : 100 a 2 + 2 × 10 a × b + b 2 100 a 2 + 100 R + B {\displaystyle 100a^{2}+2\times 10a\times b+b^{2}\leqslant 100a^{2}+100R+B}
c'est-à-dire : ( 2 × 10 a + b ) × b 100 R + B {\displaystyle (2\times 10a+b)\times b\leqslant 100R+B}
Le problème se ramène à la division de 100 R + B {\displaystyle 100R+B} par 2 × 10 a + b {\displaystyle 2\times 10a+b} .

Exemple : Calcul de la racine carrée de 74 602 {\displaystyle 74\;602} .
Le regroupement des chiffres deux par deux donne 07 | 46 | 02 | {\displaystyle 07|46|02|}

a) La racine carrée de 7 {\displaystyle 7} est 2 {\displaystyle 2} et il reste 7 2 × 2 = 3 {\displaystyle 7-2\times 2=3} .
b) On cherche le plus grand chiffre b {\displaystyle b} tel que ( 2 × 20 + b ) × b 346 {\displaystyle (2\times 20+b)\times b\leqslant 346}  : c'est b = 7 {\displaystyle b=7} , puis on calcule le reste : 346 7 × 47 = 17 {\displaystyle 346-7\times 47=17} .
c) On cherche le plus grand chiffre b {\displaystyle b} tel que ( 2 × 270 + b ) × b 1702 {\displaystyle (2\times 270+b)\times b\leqslant 1702}  : c'est b = 3 {\displaystyle b=3} , puis on calcule le reste : 1702 3 × 543 = 73 {\displaystyle 1702-3\times 543=73} .

La partie entière de la racine carrée de 74 602 {\displaystyle 74\;602} est 273 {\displaystyle 273} et il reste 73 {\displaystyle 73} .

On pourrait alors continuer par le calcul des décimales en plaçant une virgule et en rajoutant des paires de zéros au radicande.

Galerie d'images

  • Un trois-mâts inventé par Tartaglia
    Un trois-mâts inventé par Tartaglia
  • Animation de la construction de Tartaglia
    Animation de la construction de Tartaglia
  • Calcul d'une racine carrée
    Calcul d'une racine carrée

Bibliographie et liens

  • Niccolo Tartaglia, La prima parte del general trattato di numeri, et misure, Venise 1556. Accessible en ligne
  • Jeanne Guillet, Une petite histoire de la division : de la méthode de Galley à la méthode actuelle, IREM de Grenoble 1994. Accessible en ligne.

Notes et références

  • (en)/(es) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Galley division » (voir la liste des auteurs) et en espagnol « División por galera » (voir la liste des auteurs).
  1. Denis Guedj, L'Empire des nombres, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Sciences » (no 300), (1re éd. 1996), 176 p. (ISBN 978-2-0705-3373-2), p. 46.
  2. Lam Lay-Yong, « On the Chinese Origin of the Galley Method of Arithmetical Division », The British Journal for the History of Science, vol. 3, no 1,‎ , p. 66–69 (DOI 10.1017/s0007087400000200, lire en ligne, consulté le )
  3. Jeanne Guillet, Une petite histoire de la division : de la méthode de Galley à la méthode actuelle, IREM de Grenoble 1994. Accessible en ligne.
  4. Opus Arithmetica D. Honorati veneti monachj coenobij S. Lauretij. Source : Mathematical Association of America.
  5. Voir Tartaglia ou Jost Bürgi, Fundamentum Astronomiae
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