Bataille du pont du Loc'h

Bataille du pont du Loc'h
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Pont de Loc, gravure de Thomas Drake, 1860.
Informations générales
Date
Lieu Grand-Champ, Locmaria et Locqueltas
Issue Indécise
Belligérants
Drapeau de la France République française Drapeau des armées catholiques et royales Chouans
Commandants
• Olivier Harty
Michel Bonté
Jean-Baptiste Féry
• Georges Cadoudal
• Pierre Guillemot
• Jean Rohu
Louis de Sol de Grisolles
• Édouard de La Haye-Saint-Hilaire
Forces en présence
3 000 à 4 000 hommes[1],[2]
2 canons[3]
8 000 à 10 000 hommes[4],[2]
4 canons[5]
Pertes
150 à 500 morts[5],[6],[7]
60 à 130 prisonniers[5],[7]
(dont 33 à 61 fusillés[5],[6]
et 30 à 100 relâchés)
300 à 400 morts[5],[6]
8 à 16 prisonniers (fusillés)[5],[1],[6]

Chouannerie

Batailles

Données clés
Coordonnées 47° 46′ 43″ nord, 2° 47′ 49,2″ ouest
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La bataille du pont du Loc'h, aussi appelée bataille de Grand-Champ, se déroule le pendant la Chouannerie. Elle oppose les troupes républicaines du général Olivier Harty aux chouans de Georges Cadoudal.

Les combats débutent trois jours après la prise par les républicains des bourgs de Grand-Champ, Locmaria et Locqueltas. L'issue du combat est indécise : l'armée républicaine évite sa destruction en réalisant une percée à travers les lignes royalistes et se réfugie dans la ville de Vannes.

Le , Georges Cadoudal signe sa reddition auprès du général Guillaume Brune lors du traité de Beauregard.

Contexte

Début de la troisième chouannerie

In Hoc Signo Vinces, huile sur toile de Thomas Hovenden, 1880, Detroit Institute of Arts.

À l'automne 1799, une troisième chouannerie éclate dans l'ouest de la France alors que le Directoire est aux prises avec une deuxième coalition européenne[8]. En août 1799, Georges Cadoudal est nommé par le comte d'Artois à la tête des départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord[9],[8]. Celui-ci réorganise notamment l'armée du Morbihan en huit légions, commandées par Pierre Guillemot, Jean Rohu, Pierre Mercier, Louis de Sol de Grisolles, Pierre Robinault de Saint-Régeant, César du Bouays, Achille Biget et Jean François Edme Le Paige de Bar[8]. Le 15 septembre, au terme d'une réunion au château de La Jonchère, près de Pouancé, les officiers chouans et vendéens fixent la reprise des combats au 15 octobre[8].

Articles détaillés : Bataille de Locminé (1799) et Combat de Saint-Brieuc.

En Bretagne, Cadoudal planifie un assaut coordonné contre plusieurs villes pour la date du 26 octobre[10]. Ce jour-là, Guillemot s'empare de Locminé, Sol de Grisolles prend La Roche-Bernard et Mercier mène avec succès un raid sur Saint-Brieuc[9],[10]. En revanche, Cadoudal et Rohu échouent à prendre Vannes[9],[10].

Articles détaillés : Bataille du Mont-Guéhenno, Bataille de Redon (10 novembre 1799), Débarquement de la Pointe de Pen Lan et Bataille de la Tour d'Elven.

Cadoudal s'empare ensuite de Sarzeau dans la nuit du 29 au 30 octobre et prend ainsi le contrôle de la presqu'île de Rhuys[10]. Le 4 novembre, il détruit un détachement républicain à Guéhenno[11]. Le 10, Sol de Grisolles s'empare de Redon[11]. Les 28 et 29 novembre, Cadoudal, à la tête de 6 000 hommes, accueille une flotte britannique à la pointe de Pen Lan, en Billiers, qui débarque 25 000 fusils, deux canons de 4 livres, deux canons de 6 livres, deux obusiers, des munitions et six caisses de piastres[9],[12]. Le lendemain, 2 000 républicains menés par le général Olivier Harty tente de s'emparer de ce convoi, mais ils sont tenus en échec à Elven[9]. Le 7 décembre, les administrateurs de Vannes, inquiets des progrès de l'insurrection, écrivent au ministre de la Police et de la Guerre que « le Morbihan contient plus de 30 000 insurgés en armes soutenus par 100 000 hommes qui les aident, les servent et les favorisent de tous leurs moyens »[13],[14].

Négociations à Pouancé et Candé

Le coup d'État du 18 Brumaire, mené par le général Napoléon Bonaparte, rabat cependant les cartes. Dès le 13 novembre, celui-ci fait supprimer l'impopulaire loi des otages, puis il autorise l'exercice du culte catholique et nomme le général Gabriel de Hédouville à la tête de l'Armée de l'Ouest en le chargeant d'ouvrir des négociations avec les officiers royalistes[15],[16],[17]. Celui-ci décrète une suspension unilatérale des hostilités le 25 novembre et une conférence de paix s'ouvrent à Pouancé en décembre, suivie par une autre à Candé le 8 janvier[15]. Cependant, les officiers royalistes se montrent divisés : Cadoudal est partisan de la poursuite de la guerre, de même que Bourmont, le commandant de l'armée du Maine, et Frotté, le commandant de l'armée de Normandie ; en revanche les généraux vendéens d'Autichamp, Sapinaud et Suzannet sont favorables à la paix, tout comme La Prévalaye, le commandant de l'armée d'Ille-et-Vilaine, et Châtillon, le commandant de l'armée de l'Anjou et de la Loire-Inférieure[18],[13].

Bonaparte décide alors d'en finir militairement avec les chefs insoumis[15]. Le 14 janvier 1800, il remplace Hédouville par le général Guillaume Brune à la tête de l'Armée de l'Ouest et lui donne pour instruction de détruire les forces de Cadoudal : « La suspension d'armes conclue entre le général Hédouville et les chouans ne foit durer que jusqu'au 1er pluviôse (21 janvier), Georges Cadoudal, qui commande les rebelles dans le Morbihan n'y est pas compris. [...] Dissipez les rassemblements de Georges ; emparez-vous de ses canons, de ses magasins de blé. [...] Il faut s'assurer qu'au début de pluviôse les navires anglais ne soient plus en communication avec Georges. [...] Tout individu qui se soumettra, accueillez-le, mais ne souffrez plus aucune réunion de chefs, n'ayez plus aucune espèce de pourparler diplomatique. Une grande tolérance pour les prêtres. Des actes sévères envers les grandes communes qui se conduiraient mal. Brûlez quelques métairies et quelques gros villages dans le Morbihan et commencez à faire quelques exemples. [...] Il y a dans ces départements assez coupables de quoi entretenir vos troupes. Ce n'est qu'en leur rendant la guerre terrible que les habitants eux-mêmes se réuniront contre les brigands et sentiront enfin que leur apathie leur est funeste »[15],[19],[20].

Les généraux vendéens signent la paix à Montfaucon-sur-Moine le 18 janvier et Châtillon fait de même à Candé le 20 janvier[21]. Le général Brune se met alors en marche pour le Morbihan : il atteint Angers le 18 janvier, puis Nantes le 20 et Redon le 24[19],[4]. En chemin, il fait envoyer un courrier au général Harty pour lui donner l'ordre de rester immobile à Vannes, mais les chouans l'interceptent[22]. En revanche, celui-ci reçoit une lettre de l'État-major général qui lui prescrit de prélever à main armée les impôts, de réquisitionner des grains et des bestiaux et de saisir les magasins de blés des insurgés afin de préparer d'importants approvisionnements pour l'armée de Brune[22]. Harty décide alors de mener une expédition sur le bourg de Grand-Champ, connu être un important repaire de chouans, espérant peut-être par la même occasion réussir un coup d'éclat contre Cadoudal et ainsi faire taire l'administration départementale qui l'avait accusé d'incapacité et réclamé son remplacement[22],[23]

Prise de Grand-Champ par les républicains

Grandchamp, gravure de Thomas Drake, 1860.

Le 22 janvier, le général Olivier Harty quitte Vannes, où il ne laisse que quatre compagnies de la 22e demi-brigade pour garder la place[3]. Il se porte avec le reste de ce corps sur Grand-Champ, où il est bientôt rejoint par mille hommes de la 52e demi-brigade, sortis d'Auray[3],[2],[6].

Georges Cadoudal n'oppose aucune résistance, n'ayant alors que 1 200 hommes avec lui, et se replie sur les bourgs de Plaudren et Trédion[3],[6]. Seuls quelques déserteurs de la compagnie franche d'Auray se font surprendre par la cavalerie républicaine au pont du Loc'h et sont faits prisonniers[3],[6]. Ceux-ci, au nombre de huit selon le général Harty[3],[6],[1] et de 16 selon Julien Guillemot[24], sont aussitôt fusillés[3],[6],[1].

Maître de lieux, le général Harty fait aussitôt commencer les opérations d'approvisionnement : les soldats se répandent dans les fermes et villages des environs, abandonnés par leurs habitants, afin de saisir tous les grains, fourrages et bestiaux et les faire filer sur Vannes[5],[6]. Le général républicain écrit dans son rapport : « Nous n'avons trouvé dans le bourg et dans les maisons voisines aucun habitant ; tous avaient fui avec leurs meubles et une partie de leurs bestiaux. Mes dispositions ainsi faîtes, je m'occupai d'enlever les grains et bestiaux qui restaient, et de les envoyer à Vannes »[25]. Il envisage alors de rester sur place plusieurs jours et d'attendre l'arrivée des colonnes des généraux Claude Ursule Gency et Achille Claude Marie Tocip Grigny[6]. Il place deux bataillons de la 22e demi-brigade au pont du Loc'h et au château de Camzon, la 52e demi-brigade au pont et au château de Penhoët et le reste dans les bourgs de Grand-Champ, Locmaria et Locqueltas[3],[6].

Vue du château de Penhoët en 2020.

De son côté, Gency quitte Rennes le 23 janvier et se met en route pour Vannes avec 1 500 hommes constitués de la 29e demi-brigade légère, d'un bataillon et d'une compagnie de grenadiers de la 52e demi-brigade, de deux compagnies de la 82e, de 60 cavaliers du 2e régiment de chasseurs à cheval et d'un escouade d'artillerie légère avec un canon de 8 livres et un obusier[3]. Sa colonne gagne Bréal-sous-Montfort et Mordelles le 23, puis Ploërmel le 24, après avoir débusqué une petite troupe de de chouans au château du Bois de la Roche, près de Néant-sur-Yvel[3]. Le 25, elle se met en marche sur Elven[3].

Le général Grigny quitte Nantes avec 900 hommes, dont un bataillon de la 54e demi-brigade, et se porte à La Roche-Bernard le 23, puis à Muzillac le 24[3].

Quant à Georges Cadoudal, il s'établit au manoir de Beauchêne, à Trédion, où il lance un appel aux légions de l'armée du Morbihan afin de préparer une contre-attaque[3],[6]. La légion de Pierre Guillemot arrive la première et s'établit à Kervio, entre Plumelec et Trédion[3]. Les légions d'Auray et de Vannes suivent peu après[3]. Louis de Sol de Grisolles, commandant de la légion de Redon et Muzillac, et Pierre Robinault de Saint-Régeant, commandant de la légion de Loudéac, annoncent leur arrivée prochaine, mais le premier prend du retard en surveillant les mouvements de la colonne de Grigny et le second arrivera trop tard pour prendre part à la bataille[3],[26]. Cadoudal planifie alors de couper la route de Vannes et d'encercler les troupes de Harty[2].

Forces en présence

Portrait de Georges Cadoudal, huile sur toile de Joseph Ducreux, 1800, musée des Beaux-Arts d'Orléans.
Portrait du général Olivier Harty, huile sur toile anonyme, XVIIIe siècle.

Côté républicain, le général Olivier Harty commande 3 000[1] à 4 000[2],[4],[6] hommes. Sa troupe est constituée de 2 000[3] à 2 100[27] hommes de la 22e demi-brigade[3], de 998 hommes de 52e demi-brigade[3],[6] et d'une compagnie de 44 grenadiers de la 81e demi-brigade[3]. La cavalerie est forte de 25 gendarmes et de 45 hommes du 2e régiment de chasseurs à cheval[3],[27],[6], commandés par le chef d'escadron Pinteville[25] et le lieutenant Demailler[27]. L'artillerie est constituée de deux canons de 4 livres[3],[6],[7]. Dans son rapport, Harty note également la présence au sein de la colonne du chef de brigade Michel Bonté, commandant de la 81e demi-brigade, et du chef de bataillon Guérin « quoique n'appartenant à aucune des troupes présentes »[25].

En face, les chouans de l'armée du Morbihan alignent environ 8 000[4],[1] à 10 000 hommes[2], répartis en quatre légions[2],[6]. La légion de Bignan est commandée par Pierre Guillemot et son second, le lieutenant-colonel Gomez[6]. Guillemot mène lui-même les bataillons de Bignan et de Pluméliau, tandis que Gomez prend la tête des bataillons de Sérent et de Pleugriffet[6]. En l'absence de Pierre Mercier, dit la Vendée, la légion de Vannes est commandée par les chefs de bataillon Guillaume Gamber, Jacques Audran et Jacques Trébur-Oswald, dit Jacques Duchemin[6]. La légion d'Auray est dirigée par Jean Rohu et la légion de Redon et Muzillac par Louis de Sol de Grisolles[6],[2]. Le corps des « chasseurs et grenadiers réunis », récemment formé, est constitué par l'élite des combattants des légions d'Auray et de Vannes[28]. Fort de 800 hommes selon Guillemot[24] et de 1 200 selon Rohu[6],[29], répartis en quatre bataillons[28], il est placé sous les ordres de Édouard de La Haye-Saint-Hilaire[28],[6]. La cavalerie royaliste est constituée d'une centaine d'hommes, dont la plupart sont des déserteurs du 2e régiment de chasseurs à cheval, alors en garnison à Hennebont[30]. L'artillerie comporte quatre canons, dont deux dans la légion de Bignan et deux dans la légion d'Auray, dirigés par deux sous-officiers ayant déserté l'armée républicaine à Lorient[5],[Note 1]. L'ensemble de ces forces est commandée par le lieutenant général Georges Cadoudal, qui prend lui-même la tête des légions d'Auray et de Vannes[2].

Sources

Le déroulement des événements est principalement connu par les mémoires de trois officiers chouans : le colonel Jean Rohu[29], commandant de la légion d'Auray ; Alexis Le Louer[31],[32], lieutenant d'une compagnie de chasseurs de la légion de Bignan ; et Julien Guillemot[24], fils de Pierre Guillemot. Âgé de seulement 13 ans au moment des événements, ce dernier ne participe pas aux affrontements mais suit les combattants sur le champ de bataille, « à l'insu » de son père[6],[24]. D'autres officiers royalistes, comme Louis d'Andigné[Note 2] et Toussaint du Breil de Pontbriand[Note 3] font également mention de bataille dans leurs mémoires, mais ils ne sont pas présents sur les lieux.

Côté républicain, quelques rapports sont rédigés par le général Harty[25],[1], le chef de brigade Michel Bonté, commandant de la 81e demi-brigade[27] et l'aide de camp Didier[36]. Un bourgeois de Vannes nommé Jean-Marie Galles laisse également un récit des événements dans son journal[Note 4].

Déroulement

Déploiement

Vue des ruines du château de Coët-Candec en 2013.

La nuit du 24 au 25 janvier, les chouans sortent de Trédion et Plaudren et avancent silencieusement vers les lignes républicaines[6]. La légion de Bignan est chargée d'attaquer les républicains par nord, celle de Redon par l'est, celle de Vannes par le sud et celle d'Auray par l'ouest[2]. Guillemot prend alors position au château de Coët-Candec et à la chapelle de l'Hermitage, avec deux canons[5],[6]. À l'est, la légion de Sol de Grisolles doit arriver par les villages de Boterff ou de Kerizac, dans la lande de Morboulo, afin d'attaquer conjointement avec celle de Guillemot, mais elle est encore absente lorsque s'engagent les hostilités[5],[6]. Au sud, la légion de Vannes se déploie dans la lande de Parc-Carré : le bataillon de Gamber se positionne entre la lande et le bourg de Meucon, le bataillon d'Audran dans le village de Branbis et le bataillon de Duchemin dans le village de Trémériau[6],[24]. Le corps des chasseurs et grenadiers réunis de La Haye-Saint-Hilaire occupe quant à lui la route de Vannes[5],[6]. De son côté, Cadoudal contourne les troupes de Harty par le sud, en passant par Monterblanc, et va se poster avec la légion d'Auray dans la lande de Burgo, près de la chapelle de Burgo et du village de Talhoët[5],[6].

À Grand-Champ, le général Harty semble alors ignorer que les chouans sur le point de l'attaquer[5]. Mais le soir du 24 janvier, sans nouvelle des colonnes de Gency et Grigny, il prend la décision l'agir seul et fait donner l'ordre à ses troupes de se rassembler au petit matin au pont du Loc'h, afin de marcher sur Plaudren[5]. D'après ses renseignements, ce bourg constitue alors un point de réunion des insurgés, ainsi que le lieu d'un important magasin d'armes[5]. Avant le lever du jour, les républicains commencent à évacuer le château de Penhouët et le bourg de Grand-Champ, pour se réunir au bourg de Locmaria, au bourg de Locqueltas et au pont du Loc'h[5].

Attaque de la légion de Bignan sur Kercadio et Camzon

Attaque de chouans, illustration de Gustave Bourgain.

Le bataille débute le , vers 7 heures du matin, avant le lever du jour[5],[6]. La légion de Pierre Guillemot engage le combat au village de Kercadio, sur la rivière du Loc'h, près du château de Camzon[5],[6]. Les républicains sont surpris et abandonnent rapidement ce poste en laissant cinq hommes sur le terrain[5],[6].

Le général Harty sort alors de Locmaria avec la 22e demi-brigade et se porte à la rencontre des chouans aux abords du bourg de Locqueltas et sur la lande de Morboulo[5],[6]. Guillemot, à la tête de deux bataillons bas-bretons, se retranche à l'intérieur de deux champs aux abords de la lande et donne l'ordre à Gomez d'effectuer un mouvement tournant sur la droite des républicains avec les bataillons de Sérent et de Pleugriffet[5],[6]. Les combattants, dissimulés derrière des talus, échangent des tirs pendant une heure[6],[24]. Harty et Guillemot ont chacun leur chapeau percé d'une balle[5]. Un projectile s'incruste dans le fourreau de Gémery, l'aide-de-camp du général républicain, et un autre perce le manteau de Guillemot[5]. Selon Alexis Le Louer : « les fumées des feux roulants des batteries des fusils et des canons étaient si épaisses qu'à peine s'entrevoyait-on à 10 pas. Nous voyions s'élever des compagnies de perdrix qui tombaient à terre [...]. On vit même jusqu'à des loups s'esquiver des taillis voisins »[32]. Les républicains sont repoussés à deux reprises en tentant d'emporter les champs défendus par les hommes de Guillemot et finissent par se replier derrière un fossé bordant la lande[6],[24]. Pendant ce temps, Gomez effectue sa manœuvre et surgit brusquement sur le flanc des républicains[5],[6]. D'après Julien Guillemot : « Un rang entier tomba dès la première décharge »[5],[24]. Les survivants battent alors en retraite et se replient sur Locmaria[5],[6]. Les chouans les poursuivent jusque sur la grand route[5],[6]. Ce premier combat s'achève à 10 heures du matin[5],[6].

Cependant, une bonne partie des hommes de la légion de Bignan s'éparpillent ou s'égarent dans la brume[5]. De plus, la légion de Sol de Grisolles, n'a pas toujours pas fait son apparition[5],[6]. Furieux de ne pas avoir été soutenu, Guillemot rallie ce qu'il peut de ses hommes et abandonne le champ de bataille en se retirant sur ses positions initiales, à l'Hermitage[5],[6].

Attaque des grenadiers de La Haye-Saint-Hilaire

Plaque rappelant la bataille, apposée sur le site de la chapelle de Burgo.

Au moment où le combat s'engage à Kercadio et Camzon, le général Harty fait sortir de Locmaria un convoi de 17 charrettes de grains escorté par 110 hommes de la 1re compagnie du 1er bataillon de la 52e demi-brigade[5],[6]. Celui-ci s'engage sur la route de Vannes, mais il est attaqué entre le village de Talhoët et le bourg de Meucon par les grenadiers de La Haye-Saint-Hilaire qui surgissent des deux côtés de la route[5],[6]. En quelques minutes, le convoi est pris, 17 hommes sont tués ou faits prisonniers, dont le lieutenant placé à la tête de l'escorte, et les survivants prennent la fuite à travers la lande de Plescop[5],[6]. Mais à cause du brouillard et de l'obscurité, les grenadiers pensent que toute l'armée de Harty est en train de faire retraite sur Vannes et se lancent à la poursuite des fuyards[5],[6].

Environ 50 à 60 républicains parviennent à regagner Vannes sans encombre, tandis que 33 autres, dont un ou deux blessés, trouvent refuge dans un bâtiment — la maison de Guernic ou le château du Reste[Note 5] — au nord du bourg de Plescop, où ils soutiennent un siège de plusieurs heures[5],[6]. Les chouans, après plusieurs attaques inutiles, décident d'utiliser le commandant de l'escorte comme otage[5],[6],[24]. D'après Julien Guillemot : « Ils firent avancer ce malheureux officier jusqu'à la porte du château pour engager les assiégés à mettre bas les armes : « Sauvez la vie de votre officier, leur criait-il, ayez pitié d'un père de famille. — Va-t'en, vieille bête, vieille ganache, lui répondait-on de l'intérieur du château »[5],[6],[24],[Note 6]

Une capture, huile sur toile de Paul Grolleron, 1888.

De son côté, Harty envoie quatre compagnies de la 52e demi-brigade et quelques cavaliers pour tenter de venir en aide à l'escorte, mais ceux-ci sont repoussés par les légions de Vannes et d'Auray[5],[6]. Cadoudal est quant à lui réduit à l'inaction et envoie courrier sur courrier à La Haye-Saint-Hilaire pour lui donner l'ordre de revenir occuper ses positions de départ[5],[6]. Cependant celui-ci, nouveau venu dans le Morbihan et ne parlant pas le breton, se montre incapable de se faire obéir ou de se faire comprendre par une partie de ses hommes[5],[6]. Si certains chasseurs et grenadiers rompent le combat pour aller rejoindre Cadoudal, d'autres s'acharnent à poursuivre le siège du château, qu'ils tentent même d'incendier, sans succès[5],[6]. D'après Julien Guillemot : « Les Chouans qu'il commandait, vraiment hommes d'élite pour un jour de bataille, ne pouvaient être gouvernés que par Georges Cadoudal ou Rohu. Ils n'écoutaient pas leur chef de bataillon, que le plus grand nombre ne comprenait même pas ; aussi ne revinrent-ils que dans l'après-midi, après avoir brûlé presque toutes les cartouches »[5],[24].

Les 33 assiégés, commandés le sergent Marchand et le fourrier Sterting, résistent pendant cinq heures[5],[6]. Finalement, par crainte de l'arrivée de renforts républicains, les assaillants fusillent l'officier républicain et se retirent[5],[6]. Seul un petit nombre de tirailleurs reste sur place pour bloquer les défenseurs[5]. Ceux-ci font alors descendre par les fenêtres deux de leurs camarades déguisés en paysans, qui courent chercher des secours à Vannes[5]. Mais à la tombée de la nuit, les assiégés parviennent à s'esquiver discrètement du château et à regagner Vannes, en rencontrant sur leur chemin les renforts venus à leur aide[5],[6].

Attaque de la légion d'Auray entre Locmaria et Talhouët

Vue des ruines de chapelle de Burgo en 2013.

Au moment où Guillemot et La Haye-Saint-Hilaire engagent le combat au nord et au sud, Cadoudal se met en marche à l'ouest dans la lande de Burgo avec la légion d'Auray[5]. Cependant, il apprend bientôt que le château de Penhoët et le bourg de Grand-Champ ont été entièrement évacués par les républicains et que l'attaque des bataillons de La Haye-Saint-Hilaire a totalement désorganisé ses lignes[5]. Cadoudal se porte alors sur la route de Vannes où il prend de nouvelles dispositions : Rohu est placé au centre, avec la légion d'Auray et deux canons ; les grenadiers et les chasseurs ralliés de La Haye-Saint-Hilaire occupent l'aile gauche ; les bataillons de Audran et de Trébur-Oswald, de la légion de Vannes, tiennent sur l'aile droite les villages de Branbis et de Trémériau ; tandis que le bataillon de Gamber prend position à l'arrière, près du bourg de Meucon, afin de surveiller la ville de Vannes[5]. La compagnie de Sulniac, dirigée par le capitaine Martin, reste seule dans la lande de Parcarré afin de prendre contact avec la légion de Sol de Grisolles et les détachements égarés de la légion de Guillemot[5]. En fin de matinée, selon un rapport du citoyen Didier : « L'armée royaliste sur le sommet des landes formait une demi-lune en très bon ordre de bataille »[5].

Le général Harty oppose à ces forces toutes les troupes de la 52e demi-brigade et quatre compagnies de la 22e demi-brigade, qui sont déployées entre le bourg de Locmaria et le village de Talhouët[5]. Le reste de la 22e est laissé en arrière, au pont du Loc'h, afin de contrer une éventuelle nouvelle attaque de Guillemot[5]. Rohu s'avance le premier à travers champs, son premier bataillon à gauche de la grand route et le second à droite[5]. Celui-ci écrit dans ses mémoires : « Rendus à portée de l'ennemi, dont nous n'étions séparés que par un fossé, j'entendis un officier bleu faire les commandements : Arme, joue ! — et je fis signe aux miens de baisser la tête ; à celui de : Feu ! je criai : En avant ! et franchissant le fossé, nous nous trouvâmes au milieu des ennemis qui, n'ayant pas eu le temps de charger leurs armes, furent mis dans une telle déroute qu'un instant après je voyais la grande route couverte de ceux qui fuyaient devant nous »[5],[29].

Cependant, les hommes du 2e bataillon d'Auray s'éparpillent dans la poursuite et deux compagnies républicaines postées près d'une auberge parviennent à arrêter la progression des chouans[5],[29]. Le général Harty envoie également le 3e bataillon de la 22e demi-brigade et un canon pour soutenir la 52e[5]. Rohu bat alors en retraite et retourne occuper ses positions de départ[5].

Un mouvement de peur secoue également les rangs royalistes lorsque Georges Cadoudal tombe accidentellement de cheval[5]. Mais celui-ci se remet rapidement en selle et se rend lui-même auprès de la légion de Vannes afin de l'engager à se porter au combat[5]. Cependant les hommes d'Audran et de Trébur-Oswald montrent peu d'entrain pour se battre et campent sur leurs positions[5]. Vers midi ou une heure, Louis de Sol de Grisolles finit par atteindre le champ de bataille avec sa légion, mais ses hommes sont fatigués par une longue marche et leur moral n'est guère plus élevé que celui des hommes de la légion de Vannes[5]. D'après les mémoires de Jean Rohu : « Ayant reçu en route des lettres qui annonçaient la pacification de la Vendée, il ne voulut pas donner et se tint toute la journée spectateur de nos efforts »[29].

Percée républicaine et retraite sur Vannes

Landes de Meucon, gravure de Thomas Drake, 1860.

Au début de l'après-midi, la situation des républicains commence à devenir critique[5]. Dans son rapport, le général Harty écrit : « La ligne ennemie devenait très-étendue, et [...] les troupes qui lui étaient opposées souffraient devant les tirailleurs embusqués dans le ravin, les haies et les fossés au bas de la crête de la lande »[5],[25]. Le général républicain décide alors de regrouper toutes ses forces et de tenter une percée à travers les lignes chouannes pour regagner Vannes[5].

Sur ordre de Harty, les 1er et 2e bataillons de la 22e demi-brigade évacuent le pont du Loc'h[5]. Le 2e bataillon rejoint le gros de l'armée sur la grand-route, mais le 1er prend position entre Grand-Champ et Locmaria, sur l'aile droite républicaine, afin de déborder l'aile gauche royaliste[5]. Toutes les autres troupes républicaines se massent sur la grand'route : la cavalerie en tête, l'infanterie au milieu, et l'artillerie légère à l'arrière[5]. Vers 4 heures de l'après-midi, Harty lance son attaque[25]. Les 70 cavaliers républicains chargent au galop et franchissent sans peine les lignes royalistes, qui s'ouvrent devant les chevaux[5]. Les fantassins et les artilleurs s'engouffrent alors dans la brèche et s'élancent en direction de Vannes[5].

Les chouans affluent alors sur les landes de Morboulo et de Parcarré pour tenter de s'opposer aux républicains[5]. Les fantassins et les canons ouvrent le feu, mais celui-ci est peu ordonné et peu efficace[5]. Selon Alexis Le Louer, les cavaliers « voltigeaient à droite et à gauche à travers les balles qu'on leur tirait de tous côtés »[5],[32]. La cavalerie royaliste s'élance également sur la cavalerie républicaine[5]. Selon Jean Rohu : « Rendus sur la lande, nos hussards désertés d'Hennebont se battirent avec acharnement contre leurs anciens camarades. Ils se connaissaient et on les entendait se provoquer et s'appeler par leurs noms »[5],[29].

Scène de la Chouannerie, huile sur toile de Julien Le Blant, XIXe siècle.

Au nord, Pierre Guillemot tente tardivement de lancer une nouvelle attaque[5]. Une partie de ses troupes franchit le pont du Loc'h sans rencontrer de résistance, puis elle se lance à la poursuite des républicains[5]. Seule une petite avant-garde de quatre cavaliers et huit fantassins parvient à rejoindre les troupes de Harty, mais elle se fait surprendre : les cavaliers parviennent à s'enfuir, mais les fantassins sont tous massacrés[5].

Les rapports des deux camps divergent sur le déroulé des derniers combats. Selon Harty, celui-ci se termine par une déroute des chouans, qui s'enfuient en direction de Saint-Nolff et de Monterblanc : « Les chouans furent ainsi poursuivis pendant une lieue environ par la cavalerie, l'infanterie et l'artillerie légère ; ce fut en vain que les chefs des insurgés se rangèrent sur une ligne pour arrêter les fuyards et nous faire face ; leurs rangs furent rompus ; [...] on ne les quitta qu'à la fin de la lande »[5],[25]. Selon Alexis Le Louer, les cavaliers républicains parviennent « à terrasser une partie de nos gens qui se trouvaient à la débandade », mais les fantassins chouans prennent l'avantage sur les fantassins républicains : « Nous les voyions fuir sans rangs, sans lignes et sans ordre, comme une bande de troupeaux »[31],[32]. Pour Rohu, les bleus ne sont que faiblement poursuivis : « Nos hommes, ayant marché toute la nuit précédente, étaient tellement fatigués que nous ne pûmes pas longtemps poursuivre l'ennemi »[5],[29]. L'armée de Harty rentre dans les murs de Vannes à 7 heures du soir[5].

Pertes

Selon Jean Rohu, les pertes des chouans sont de 400 morts[5],[6],[29]. Alexis Le Louer donne un bilan similaire de 300 à 400 morts et beaucoup de blessés, dont 10 à 20 % mortellement[5],[32]. Dans leurs rapports, le général Harty et le chef de brigade Bonté estiment également les pertes de leurs adversaires à 400 tués[1],[27]. D'autres comptes-rendus républicains évoquent 500 ou 600 morts[6].

Du côté des républicains, les différentes évaluations des pertes sont très dissemblables[5],[6]. Le général Harty n'admet dans son rapport que 22 tués, approximativement 63 blessés et 93 disparus[5],[1]. Il précise que les pertes sont de quatre tués — dont un officier et trois sous-officiers — et 13 blessés — dont un officier — pour la 22e demi-brigade et de 17 tués — dont trois officiers — et environ 50 blessés pour la 52e demi-brigade[6],[1] et que les disparus appartiennent à la 22e demi-brigade[5]. Le chef de brigade Bonté ne fait également état que de 21 morts, dont quatre officiers, et d'environ 50 blessés[27]. Dans une lettre adressée à Bonaparte, le général Brune écrit que la 22e demi-brigade a perdu à elle seule plus de 100 hommes[5]. Julien Guillemot ne donne aucune estimation générale, mais affirme avoir compté plus de 52 corps de républicains de la 22e demi-brigade, dont cinq à Kercadio, 47 « sur la même ligne » dans la lande de Morboulo « et un plus grand nombre dans les broussailles »[5],[6],[24]. Selon Jean Rohu, 900 soldats républicains sont portés manquants après les combats[5],[6],[29]. Pour Le Louer, ils laissent au moins 1 100 morts[5],[6],[32]. Le bourgeois vannetais Jean-Marie Galles indique dans son journal que les pertes seraient de 500 tués et que 64 blessés ont été conduits à l'hôpital[7]. Chez les historiens les pertes républicaines sont estimées à entre 150 et 200 morts et 60 prisonniers par Émile Sageret[5], à 250 morts par Jules Le Falher et à 300 morts par François Cadic et Émile Gabory[6],[37].

Selon Julien Guillemot, les corps des chouans tués sont enterrés dans les cimetières de Locqueltas et de Locmaria, tandis que ceux des républicains le sont dans les landes de Morboulo et du Brugo[6],[24].

Un certain nombre de républicains sont faits prisonniers par les chouans, mais leur nombre fait également l'objet d'estimations divergentes. Le général Harty fait état de 100 disparus[1]. Jean-Marie Galles évoque quant à lui 130 prisonniers[7]. La légion de Pierre Guillemot fait 42 prisonniers selon Rohu[6],[29], 43 selon Le Louer[6],[32] et 94 selon Julien Guillemot[6],[24]. Selon Le Louer, ceux-ci, presque tous blessés, sont conduits au manoir de Kerscoup — ou Kerscouble — à Plaudren[32]. Les autres légions royalistes font également des prisonniers, mais leur nombre est indéterminé[38],[32].

Cadaoudal fait relâcher tous ses prisonniers, en donnant à chacun, d'après Rohu, un écu de trois livres et des voitures pour les blessés[38],[6],[29]. Le 27 janvier, Pierre Guillemot libère les soldats des troupes de ligne, mais il donne l'ordre au lieutenant-colonel Gomez de faire fusiller les volontaires des colonnes mobiles, en représailles aux exécutions commises au pont du Loch avant la bataille[38],[6],[24],[32],[Note 7].

Dans une lettre adressée au Premier consul Bonaparte, le général Guillaume Brune annonce que 61 républicains de la 22e demi-brigade ont été fusillés après la bataille[38],[1]. Selon Julien Guillemot, 32 volontaires des colonnes mobiles ont été exécutés sur ordre de son père[38],[6],[24].

Suites

Vue du manoir de Cadoudal en 2013.

Le soir de la bataille, le gros de l'armée royaliste, emmenée par Georges Cadoudal et Pierre Guillemot, se retire sur le manoir de Cadoudal, près du bourg de Plumelec, où elle établit son cantonnement[5]. La légion de Pierre Robinault de Saint-Régeant fait également demi-tour après avoir été informé de l'issue du combat par des fuyards[26]

Le même jour, la colonne républicaine du général Gency arrive de Ploërmel à Elven, après avoir eu deux escarmouches en chemin[26]. Le bourg d'Elven et ses environs sont mis à sac[26],[2]. D'après le journal de Jean-Marie Galles, au moins 40 vieillards, femmes et enfants sont massacrés par les soldats[7].

Le lendemain, le général Harty se porte avec un détachement au devant de cette colonne, qui entre ensuite à Vannes[26]. Le 27 janvier, Harty se porte d'Elven à Questembert afin de poursuivre ses opérations de réquisitions, puis il rentre à Vannes le lendemain[26].

Portrait du général Guillaume Brune, huile sur toile d'Andrea Appiani, 1800 ou 1801.

De son côté, le général Grigny quitte Muzillac le 25 janvier et reprend sans peine le contrôle de la presqu'île de Rhuys[26]. Il traverse ensuite le Golfe du Morbihan entre Arzon et Locmariaquer et patrouille le long des côtes de la baie de Quiberon[26]. Au cours de cette marche, un prêtre réfractaire est assassiné le 27 janvier, entre Carnac et La Trinité-sur-Mer[26].

Le 29 ou le 30 janvier, le général César Louis d'Houdetot arrive à Baud et livre un combat près de Quistinic, au terme duquel il annonce, probablement avec exagération, avoir mis en déroute 1 500 chouans et tué 500 à 600 d'entre eux, sans avoir perdu plus de cinq de ses hommes[26]. Il se porte ensuite sur Hennebont[26].

Le général en chef Guillaume Brune arrive lui-même à Vannes le 29 janvier, accompagné du général Jean-François Debelle, de la 60e demi-brigade et de plusieurs escadrons de cavalerie, soit en tout 1 900 hommes[26]. Le lendemain, il fait paraître un ordre du jour pour répartir le commandement entre ses différents généraux[26]. Le 31, il fait publier une proclamation en français et en breton adressée aux « hommes égarés rassemblés en armes dans le département du Morbihan » dans laquelle il appelle les insurgés à déposer les armes[26]. Le 1er février, il adresse une autre proclamation à la troupe, où il recommande aux soldats « de s'abstenir de toute espèce d'indiscipline et d'éviter les moindres vexactions »[26].

Début février, d'après un rapport de l'aide de camp Didier, le général Brune commande directement à Vannes 8 091 hommes d'infanterie et 192 de cavalerie, Chabot est à Redon avec 3 000 hommes d'infanterie et 400 de cavalerie, Grigny à Muzillac avec 900 hommes, Dutilh à Malestroit avec 800 hommes, d'Houdetot à Hennebont avec 300 hommes et Ploërmel dispose d'une garnison de 1 200 hommes[26].

Le traité de Beauregard

Article détaillé : Traité de Beauregard.
Vue du château de Beauregard en 2017.

Le 14 février, Cadoudal signe sa reddition au château de Beauregard, à Saint-Avé[2].

Pour l'historien Roger Dupuy, la bataille du pont du Loc'h souligne « le paradoxe d'une chouannerie morbihannaise qui allait devoir se soumettre alors qu'elle n'avait jamais été, apparemment, aussi puissante et dont les effectifs mobilisés évoquaient effectivement une nouvelle Vendée »[2].

Notes et références

Notes

  1. D'après les mémoires de Jean Rohu, l'un de ces sous-officiers était Joseph Henri Isidore Brêche, maréchal de camp sous la Restauration[5],[29]
  2. « Quatre ou cinq mille Républicains s'étaient réunis pour l'attaquer (Cadoudal); il marcha au-devant d'eux avec sept ou huit mille hommes environ. Le combat fut disputé; quatre ou cinq cents hommes de chaque côté restèrent sur place. Mais les royalistes, moins bien disciplinés, finirent par plier[33]. »

    — Louis d'Andigné

  3. « Il (Cadoudal) ne voulait pas céder sans combattre. Il attendit Brune à Grand-Champ, avec environ vingt mille hommes, et lui livra bataille ; elle dura plusieurs heures, mais les Royalistes furent contraint de céder au nombre. Cadoudal, voyant plusieurs de ses divisions rompues, ordonna la retraite, qu'iul fit en assez bon ordre. Il ne fut pas poursuivi. Neuf cents Royalistes restèrent sur le champ de bataille ; le général Brune perdit deux mille hommes, presque tous tués en enlevant des positions à la baïonnette[34]. »

    — Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand

    Les notes de Pontbriand semblent s'appuyer sur les écrits d'un chef chouan morbihannais nommé François Le Chevalier[35].

  4. « 2 pluviôse, an VIII (22 janvier 1800), reprise de la guerre civile. Environ 3 000 hommes partis avec le général Atri, deux pièces de 4, la gendarmerie et des hussards.

    Le 5 (25 janvier), à onze heures du matin, on a battu la générale, à cause d'un convoi de grains et de bœufs, escorté par cent hommes, et enlevé par de Sol au-dessus de Meucon. Des cent hommes, on dit 60 tués ou pris.

    Le soir, vers quatre heures, les 3 000 hommes sortis le 2, auxquels s'étaient jointes des troupes d'Auray et Lorient, en tout environ 5000, sont rentrés avec l'artillerie et quelques voitures de blessés.

    Le 6 pluviôse (26 janvier), vers neuf heures du matin, tous sont repartis avec de l'artillerie. A onze heures, sont arrivés un escadron de hussards, un train d'artillerie suivis d'environ 2 000 hommes d'infanterie, venus de Rennes, l'artillerie du Croisic, les hussards de Nantes.

    Dans l'affaire du 5 (25 janvier), les chouans attaquèrent les troupes à la pointe du jour. Le combat fut long et vif. Trois fois ils les repoussèrent; à la quatrième, les troupes prises par derrière se réunirent en masse et se firent jour la bayonnette au bout du fusil. Les chouans se battirent avec intrépidité, perdirent du monde et un chef ou officier qu'on croit émigré. Les passeports et papiers portaient le nom de Dubois. Les troupes perdirent aussi du monde, plusieurs officiers. On dit qu'il y a 500 morts; 64 blessés ont été conduits à l'hôpital. Le corps de Georges ne donna pas. Les chouans ont fait 130 prisonniers.

    Les troupes sorties le 6 pluviôse (26 janvier), revinrent à Vannes le 8, à six heures du soir. Une de leurs colonnes a capturé à Questembert un convoi de pain pour les chouans. Une autre sortie le 6, a pillé à Kerglin les dies Jacquelot, à Botcouart M. Linville qui a été battu ainsi que sa sœur. A Elven, ils ont tout pillé et ont massacré sur la route au moins quarante vieillards, femmes et enfants[7]. »

    — Journal de Jean-Marie Galles, habitant de Vannes.

  5. D'après une lettre de l'administration de Vannes à celles de Port-Liberté et de Lorient, datée du 10 pluviôse, le combat se déroule dans la maison Le Guern ou Le Guernic[5],[6]. Pour Julien Guillemot, le bâtiment assiégé est le château du Reste[6],[24]. Dans son rapport, le chef de bataillon Jean-Baptiste Michel Féry, commandant de la 52e demi-brigade, évoque un « château », dont il ne donne pas le nom[27].
  6. Dans son rapport, le chef de bataillon Jean-Baptiste Michel Féry fait le récit suivant : « Ces brigands, étonnés d'une telle résistance, leur proposèrent des conditions, après les avoir sommés de se rendre. Après un quart d'heure d'entretien, pendant lequel ils ne purent rien gagner, ces brigands entraînèrent le lieutenant commandant la compagnie, qu'ils avaient pris à 400 pas du château, le présentèrent aux soldats comme otage, en leur disant de se rendre, s'ils voulaient lui sauver la vie ; mais ils répondirent aux chefs : Il est bien malheureux que notre commandant soit entre vos mains ; c'est assez d'une victime sans défense: pour nous, nous mourrons les armes à la main ; retirez-vous »[5],[27].
  7. « Le lendemain matin, nous nous en fûmes au château de M. de Kerscouble où nous avions avec nous 43 soldats républicains tous blessés, à l'exception de 6 ou 7, pris dans une prairie pendant la bataille. Les autres divisions prirent de même de pareils détachements plus ou moins grands. Je fis donner à boire et à manger aux 43 premiers, suivant l'ordre que je reçus de mon chef de bataillon Alexandre qui donna cinq piastres aux gens du village dans lequel ils étaient, pour deux barriques de cidre et 1 louis ou 2 pour autre chose. Les braves habitants chez lesquels nous les avions menés, se faisaient un devoir de déchirer leurs draps et leurs chemises pour leur en faire des bandes et de la charpie pour leurs blessures, j'en vis panser plusieurs ; mais, pendant le pansement, il y eut un gallot qui voulut aller se reposer dans le grenier de sa maison ; il prit son fusil et monta à l'échelle ; le chien du fusil prit à un des bâtons et le coup partit ; il eut toute la paume de la main enlevée, de sorte qu'on ne lui voyait que les cartilages des doigts et du dedans de la main.

    Au bout de deux jours, nous apprîmes que les républicains n'avaient point accordé de grâce aux prisonniers faits sur nous et qu'ils les avaient mis à mort. M. de Gommez vint à moi et me dit d'un ton grave ; « Monsieur, si vous ne les faites pas fusiller, je vous ferai fusiller moi-même ; il y a 3 ou 4 jours que nous les avons sur le corps et ils nous ont compté plus de dépenses qu'ils ne valent », je lui dis : « Fusillez-les vous même ou faites-les fusiller par vos gens. — Restez-là me dit-il, je m'en vais au quartier en faire mon rapport à M.Guillemot. » MM. Alexandre, Mathurin Le Sergent et autres vinrent, et nous partîmes pour le château de Kernicol.

    Pour agir de représailles, et en vertu des ordres donnés par les généraux de faire fusiller sans aucune distinction de grade tous les prisonniers républicains, on en agit avec conséquence, parce qu'ils eurent la barbarie d'agir avec férocité à l'égard des nôtres. Je ne voulus pas participer à cette boucherie, quoiqu'on m'en eût invité de partager leurs dépouilles ; j'aurais préféré les avoir fusillés au champ de bataille que d'être leurs bourreaux après les avoir gardés et soignés ; de plus, je leur avais donné ma parole que je ne leur aurais pas fait de mal[32]. »

    — Mémoires d'Alexis Le Louer


    « Au sujet des prisonniers, mon père donna à Gomez l'ordre de mettre en liberté les soldats qui servaient pour leur compte, et de faire fusiller les volontaires et ceux qui appartenaient aux colonnes mobiles. Un de ces derniers s'écria :

    - N'est il pas cruel de fusiller des prisonniers de guerre?

    - Oui, lui répondit mon père, il est bien cruel d'en venir à cette extrémité. Mais qu'avez-vous fait des seize hommes que vous avez pris avant-hier?

    - C'est vrai, répondit un autre soldat, ils ont été tués.

    - Vous les avez massacrés ! ajouta mon père, et tout fut dit.

    Le soir même, ces hommes, au nombre de trente-deux, le double des Chouans massacrés, furent fusillés[24],[38],[6]. »

    — Mémoires de Julien Guillemot

Références

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Bibliographie

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